Chroniques

par laurent bergnach

Philip Glass
The perfect American | L’Américain parfait

1 DVD Opus Arte (2013)
OA 1117 D
The perfect American, opéra de Philip Glass, en création à Madrid (2013)

En février 2013, depuis le Teatro Real de Madrid qui accueillait sa création, Medici.tv retransmettait la septième et dernière représentation du vingt-cinquième opéra de Philip Glass, The perfect American – en coproduction avec l’English National Opera (Londres). Dans notre compte rendu, nous donnions alors quelques éléments biographiques sur Walt Disney (1901-1966), figure mythique et controversée de l’art commercial du XXe siècle, au centre de cet ouvrage lyrique en deux actes [lire notre chronique du 6 février 2013].

Le plus important n’est bien sûr pas la réalité mais l’image que le public va garder du célèbre descendant de colons irlandais, via la biographie fictive de Peter Stephan Jungk (Der König von Amerika, 2001) et son adaptation scénique par Rudy Wurlitzer. Au fil de onze scènes encadrées par un Prologue et un Épilogue, un portrait se dessine au gré de conversations publiques ou intimes. Disney, c’est « l’homme qui fait parler les animaux », un conteur hors pair salué par trente Oscars, lequel a engendré des figures plus connues que Jésus ou le Père Noël. C’est un homme d’affaires qui vassalise des centaines de dessinateurs anonymes, conseille le gouverneur Reagan et vénère Lincoln sans aller jusqu’à approuver sa défense de la négritude. Disney, c’est un gamin de la campagne (Marceline, Missouri), grandi entre animaux sauvages et tarte aux pommes, à des kilomètres du crime, de la drogue et des manifestations de la contre-culture. C’est un homme de soixante-cinq ans dont le propre nom appartient surtout à l’entreprise et qui sent approcher la mort alors qu’il reste tant à faire.

« En fin de compte, explique Keith Potter dans la notice du DVD, c’est la représentation de la vie intime des personnages et de leurs raisons d’être en général qui constituent le véritable sujet de The perfect American. Glass lui-même a suggéré que cet opéra porte essentiellement sur un homme ordinaire qui, malgré ses faiblesses évidentes, est capable d’exprimer des idées telles que l’impermanence, l’éternité et la nature de l’art. »

Outre la question des droits d’auteur, on imagine qu’il était plus intéressant pour Phelim McDermott de présenter des ébauches de personnages dessinés, des allusions douces-amères à la fantaisie animalière (gants, masques, bouées), plutôt que les icones attendues. En accord avec la partition, sa mise en scène jouit d’un bon équilibre entre scènes chorales et intimistes, visions nostalgiques et prophétiques (animatronique, cryogénie), dans l’omniprésent ballet de rideaux qui aident aux projections de crayonnés.

Nombreux sont les chanteurs à investir une production qui rappelle si bien le rôle de la lumière comme nourriture de l’esprit. On saluera surtout Christopher Purves (Walt Disney), fiable et impacté, David Pittsinger (Roy Disney), Zachary James (Lincoln), John Easterlin (Andy Warhol) et Rosie Lomas (Lucy / Josh). En fosse, Dennis Russell Davies joue une partition qui a paru moins intéressante que dans l’émulation de la découverte. [distribution DistrArt Musique]

LB